JEAN LAPLANCHE ET LA THÉORIE DE LA SÉDUCTION GÉNÉRALISÉE (2)

 psyche2) La définition de la sexualité

La théorie de la séduction généralisée comporte une définition spécifique de la sexualité et de la genèse de l’inconscient sexuel. La sexualité, dont s’occupe la psychanalyse est la sexualité dans sa dimension proprement humaine.  Elle consiste en une sexualité « élargie », dont la sexualité infantile, perverse et polymorphe - que Laplanche a appelée sexual -, constitue le noyau.  La sexualité infantile est tout entière d’essence fantasmatique. Sa dimension sexuelle procède de l’auto-érotisme et le masochisme y occupe une position première.  Elle tend à la recherche d’une tension et d’une excitation toujours plus grandes, qui peuvent se manifester dans n’importe quelle région du corps.  Elle n’est pas liée à la procréation, est antérieure à la différence des sexes et même, antérieure à la différence de genres.  Cette sexualité est anarchique. Elle se situe « au cœur des notions de pulsion, d’inconscient et de pulsion sexuelle de mort ».  Sous la forme de la réalité psychique, elle est présente dans toutes les sphères de l’activité humaine. Ainsi, « la fantaisie, dans sa liaison originelle avec l’excitation » constitue « le domaine propre, non spéculatif, de la psychanalyse »

Dans cette perspective, la séduction à laquelle se réfère la théorie de la séduction généralisée n’est pas non plus la séduction au sens courant : il s’agit de la séduction relative à l’asymétrie de la « situation anthropologique fondamentale » dans laquelle un adulte - ou un enfant plus âgé -  déjà doté d’un inconscient sexuel, est en présence d’un enfant qui n’en a pas encore un. Cette situation est universelle : aucun être humain ne peut y échapper. La séduction provient du fantasme sexuel inconscient de l’adulte, qui, dans le cadre des soins qu’il prodigue à l’enfant, compromet les messages verbaux et non verbaux qu’il lui adresse.  La situation anthropologique fondamentale constitue une condition de possibilité du refoulement et de la constitution, dans le même temps, et de l’inconscient sexuel et du moi.  Laplanche a par ailleurs souligné que, dans l’élaboration de sa théorie, la conception de la situation anthropologique fondamentale ne s’est pas présentée comme un point de départ.  Elle découle de l’exigence de rendre compte d’une expérience, celle de la situation analytique et de comprendre ce qui, dans cette situation permet de réaménager les forces en présence dans le conflit psychique. La situation analytique ne constitue pas une répétition de la situation anthropologique fondamentale. Cependant, le cadre et la méthode analytiques, et l’asymétrie qu’ils impliquent, remettent en place des conditions qui ravivent l’énigme des messages et favorisent une réouverture ainsi qu’une reprise du mouvement de traduction dont sont issus les dérivés de l’inconscient sexuel. 

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