JEAN LAPLANCHE ET LA THÉORIE DE LA SÉDUCTION GÉNÉRALISÉE (4)
4) L’inconscient enclavé et un modèle métapsychologique unitaire de l’âme
La situation anthropologique fondamentale et l’hypothèse traductive du refoulement permettent aussi de concevoir un autre type d’inconscient, distinct de l’inconscient sexuel refoulé formé des restes non traduits de messages de l’adulte dont il a été question jusque là. Il s’agit de l’inconscient enclavé, un inconscient non refoulé, sans lien avec le préconscient, assimilable à un sous-conscient. Cet inconscient enclavé provient de deux sources : de messages en attente de traduction et de messages intraduisibles. En ce qui concerne les messages en attente de traduction, il s’agit d’une situation habituelle pour tous. Les messages ne sont jamais traduits d’emblée, ils sont traités en deux temps : un premier temps de réception - l’implantation -, et un deuxième temps de traduction. La temporalité de la traduction, qui est aussi celle du refoulement, est en effet une temporalité dialectique, que Laplanche définit comme celle de l’après-coup (Nachträglichkeit). Par ailleurs, l’inconscient enclavé est aussi formé de messages presque impossibles à traduire, soit parce que ces messages sont totalement habités par l’inconscient de l’adulte soit, à l’autre extrême, parce qu’il s’agit de messages dont le code n’est rien d’autre que le message lui-même. Ils conduisent ainsi à des échecs plus radicaux de traduction, échecs dont les effets peuvent produire des manifestations que la psychopathologie décrit comme caractéristiques de la psychose ou des organisations dites borderline. La ligne de clivage entre l’inconscient enclavé et l’inconscient refoulé, - ou inconscient sexuel -, varie d’un individu à l’autre. La théorie de la séduction généralisée permet ainsi « de proposer une vue unitaire englobant les modèles soi-disant séparés de névrotico/normal et psychotiques/borderline ». Ce modèle topique commun à la névrose et à la psychose « a le mérite de proposer un cadre de référence pour situer [un] double problème : possibilité d’une nouvelle traduction des messages enclavés, notamment dans la psychothérapie des cas borderline ou psychotiques, et, à l’inverse, possibilité (même si elle est faible) d’une décompensation délirante chez tout être humain »
Cette présentation de la théorie de Jean Laplanche par Hélène Tessier est également disponible sous forme de texte complet..